Questions for the Artists:
 
1. What aspects of your previous work do you bring to the exhibition in the Tannery?  Is this an extension of your previous work?  In what ways does the exhibition offer a new set of challenges?
Quel aspect de vos travaux pensez-vous montrer à l'exposition aux Tanneries: un développement de vos travaux précédents, ou bien, profitant de ce lieu particulier, pensez-vous orienter ce travail vers de nouvelles questions et problématiques?

 A un visiteur demandant à G Braque devant une de ses toiles d’où venait cette lumière qui n’est pas présente dans la nature; la réponse du peintre fût d’amener une autre toile en disant : cette lumière vient de là.    
Je veux dire , une œuvre est toujours dans un mouvement en étoile, et dans une histoire .La question pour l’artiste est l’interprétation de cette histoire et les choix qui permettent la lecture unifiée d’un travail                                         

Concernant l’espace des tanneries :
L’immensité du lieu  permet d’offrir un chemin, un parcours pour découvrir les œuvres (chose très importante dans mon travail) . Les pièces peuvent être d’abord entrevues, aperçues, puis on peut aller à leur rencontre, et visiter l’espace à travers elles, rendre toute cette mobilité vivante et active.
Par ailleurs, la spécificité architecturale très forte du site, son usage passé,  invite à réaliser quelque chose avec ou contre, ou pour cet espace, avec la question d’une possible  appropriation sociale de ce  lieu aujourd’hui désuni –par son activité arrêtée et par rapport à la mémoire des gens qui ont travaillé ici.
Toni Grand aurait peut être dit contre, je dirai avec. Mais je ne suis pas sûr que ces débats  soient d’un réel enjeu aujourd’hui. La contradiction et la confrontation sont les témoins du vivant et c’est très bien ainsi. J’ajoute que je suis très heureux de cette exposition collective que je vis comme une aventure.
La pièce qui a été réalisée  pour cette expo s’appelle  « blank » elle fait directement référence à cet arrêt d’activité, à cette coupure, aux cuves désormais vides,….

 

 
 
 
2. Your work appears to negotiate the play between interiority and exteriority, enclosure and openness, autonomy and extension.  Is this a pertinent description?
 
Votre travail rend compte du jeu et de l'enjeu entre l'intérieur et l'extérieur, le fermé et l'ouvert, l'intensité et l'extension.  Est-ce que cette description est pertinente?


Mon travail se développe autour de la surface et de sa rupture par l’inscription du bord, de la ligne, du trait, de la limite.
L’utilisation de résines polyester permet à la fois la transcription d’une surface fine et modelée –comme une peau- avec en même temps une grande profondeur pour l’œil dans le toucher de cette surface pourtant matériellement si fine….
La tendance est d’excéder la forme, c’est à dire que la chose ne soit pas donnée, de la même manière de loin ou de près, qu’elle permette un questionnement et par là, une mise en mouvement de l’espace.
Ces pièces sont comme des enclos, sensibles à leur environnement lumineux et aux mouvements autour d’elles. Ce sont des partitions de l’espace qui peuvent se resserrer sur elles mêmes ou au contraire, déborder leur environnement. Présence et disparition.
Une chose qui m’intéresse aussi est que la résine en elle même, sans environnement, n’est vraiment plus rien, rien qu’une colle sale.

En ce qui concerne « blank », cette nouvelle pièce que j’ai réalisée pour l’exposition ; c’est un « cut », une partition de l’espace elle même traversée par cette plaque de polycarbonate industrielle, d’une autre nature que l’enclos en polyester qui lui ,est modelé.
Il y a là quelque chose d’assez violent, en tous cas d’inscrit d’un point de vue formel. La forme en polyester, à la fois fermée et ouverte déborde ses limites. Elle est rythmée et très dessinée dans la bordure et le cerne des étendues de ses surfaces.  Mais il y a surtout cette bande d’horizon dans le haut de la sculpture qui ferme et scelle la forme de près et qui l’ouvre de loin comme une ouverture des possibles….cela existe aussi dans « partita » …et cette ligne d’horizon, il faut vraiment faire le tour de la sculpture pour découvrir qu’elle est courbe et que c’est elle qui met en mouvement l’ensemble.
Techniquement (et mentalement) cette bande d’horizon offre la possibilité d’avoir dans le haut de la sculpture cette surface au repos dans la tension, comme la surface bombée d’un verre d’eau totalement plein: le tremblement fixe.  Je veux dire que techniquement pour que cette surface si fine ne s’affaisse pas en cuvette, il faut qu’elle soit moulée avec la bonne tension dans sa courbure et dans la bande d’horizon qui la soutient. C’est assez compliqué.
Comme un instrument difficile à accorder parce qu’il ne s’accorde que dans le rapport contredit des tensions. Ordre et désordre.
Le nom « blank » fait écho à la fois à la coupure, à la disparition, en même temps qu’à l’effacement, à l’invisibilité, à l’éblouissement.
En revanche, le nom de « partita » fait directement écho à la forme, et référence à la forme musicale de la suite, très écrite ; et pour nous, auditeurs, à l’espace de la traversée. Il y a un très beau texte de G Ludwig sur « partita »…                                            
                                                                                    
 
 
 
3. The work included in the Tannery moves between transparency and opacity, but also the play of reflection and shadow, as well as surface effects that also suggest a persistent sense of materiality.  How does your work situate itself between these seemingly paradoxical characteristics?   
 
Les oeuvres présentées aux Tanneries vont de la transparence à l'opacité, mais intègrent le jeu de la réflection et de l'ombre ainsi que les effets de surface qui suggèrent une persistance du sens de la matérialité. Comment situez-vous votre travail par rapport à ces termes à la fois proches et paradoxaux?


Je ne suis pas inquiet de la matérialité et pas inquiet non plus dans la possibilité de confronter la forme. La forme est elle même un espace qui contient et relâche qui donne à voir sans être totalement révélé , la forme a des ramifications ….. Est ce que la forme relève de la matérialité ? ou est ce que la forme relève de l’intention irrésolue ou est ce qu’elle relève de la nécessité ?  
Il y a une phrase de Michael Snow accrochée dans l’atelier qui dit que « les formes créées doivent produire des significations et des émotions pour fonctionner. Ces significations ne doivent pas être définies, alors que la forme de l’œuvre doit l’être. »
 …  
La translucidité est aussi du point de vue mental, quelque chose d’opaque, quelque chose qui fait mentalement écran. Le plan, et le toucher de la surface sont aussi d’autres formes d’écran. L’utilisation des plaques de polycarbonate, dans un rapport optique avec les surfaces de polyester stratifié, offre des lectures incertaines, hallucinatoires au toucher de l’œil, et donc des interrogations.
 
 
 
 
4. The reference to the “diaphane” in the title of the exhibition recalls Aristotle’s reference to the term in De Anima, where it is part of a larger discussion concerning the faculty of perception.  Could you elaborate on how your work relates to questions of perception?  Or is this question of perception too limited or constraining as concerns your own work?
 
L'utilisation de la notion de “diaphane” dans le titre de l'exposition fait référence au texte d'Aristote, “De l'âme”, où il lui attribue un rôle important dans la faculté de la perception.  Pouvez-vous nous dire comment cette question de la perception est prise en charge dans votre travail? Ou bien pensez-vous que cette question est contraignante en ce qui concerne votre démarche?


 il y a cette phrase de Pascal : «  l’âme aime la main » qui ouvre aussi d’une autre façon cette question de la perception entre réalisation et production aujourd’hui. La question de la perception est et demeurera majeure car elle est la réalisation de chacun avec lui même.
 
 
5. How does your work situate itself in relation to the space of the Tannery?  Indeed, what is the space of your work (as sculpture? as assemblage? as installation? as structural articulation or partage of elements?) in relation to an architectural dispositif that is at once massively present and imposing and yet punctuated by gaps and voids, at once a vestige of a building that once existed in all its brute, industrial functioning and yet today a shell traversed and pierced by light, open to its own exteriority?
 
Comment votre travail se situe-t-il précisément dans l'espace des Tanneries? Quelle relation, en tant que lieu ou en tant qu'espace - s'agit-il de sculpture, d'assemblage, d'installation?, est-ce une articulation structurelle, un partage de éléments? - votre travail entretient avec ce qui est déjà un dispositif architectural, avec ces caractéristiques propres, sa présence massive, déjà ponctuée de trouées et de vides;  qui plus est, avec quelque chose qui est devenue un vestige, la trace d'un ancien édifice industriel, aujourd'hui une carcasse traversée et percée par la lumière, ouverte à sa propre extériorité?


  La question de nommer et de comment nommer les choses (sculpture, installation etc…) n’est pas une préoccupation pour moi ; occuper l’espace, mettre en mouvement et questionner l’espace fait partie des enjeux d’une exposition. La pièce qui a été réalisée à l’occasion de l’exposition a bénéficiée de la présence de ces cuves qui je pense sont incroyablement présentes dans l’architecture et l’usage passé du lieu.
J’ajoute qu’il me semble important que quelque chose de donné soit là.
 

 
 
 
6. Could you say something about the rapport between the work exhibited in the space of the Tannery and the work that has been included in the more conventional exhibition space of the accompanying gallery?

Pourriez-vous parler de la relation entre le travail exposé aux Tanneries et celui montré dans le cadre plus conventionnel de la galerie?


Les espaces sont différents et les oeuvres sont lues différemment. L’espace des Tanneries permet l’exposition de sculptures de grandes dimensions qu’il n’aurait pas été possible de montrer dans la galerie.
D’un autre côté, il est intéressant de mettre de petites pièces dans le vaste espace des Tanneries, ce qui permet de les percevoir d’abord en les négligeant, mais aussi de constituer un chemin  et une attention renouvelée au  lieu.
Pourriez-vous parler de la relation entre le travail exposé aux Tanneries et celui montré dans le cadre plus conventionnel de la galerie?


----- Original Message ----- From: vincent peraro <peraro.dumeix@club-internet.fr> Date: Monday, April 5, 2010 1:53 pm Subject: Re: questions pour Amilly from Philip To: PHILIP ARMSTRONG <armstrong.202@osu.edu>